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Mirabelles et Lavande
21 avril 2015

La Gaieté (Justine Lévy)

Ma bibliothécaire géniale et fantastique (qui est super sympa et que j'aime absolument parce qu'elle arrive toujours à me trouver tous les livres dont je rêve et ce, en remuant tout le département et ses médiathèques) m'avait réservé ce roman qui me faisait de l'oeil depuis quelques temps.

Alors avant d'entrer dans le vif du sujet: minute people parce, mine de rien, ce livre m'intriguait du nom de l'auteurE jusqu'à son titre (la honte parce qu'étant prof de lettres j'ai toujours eu un doute au moment d'écrire le mot "gaieté" : avec E ou sans E ??? C'est pas ma faute: à force d'avoir vu tant d'erreurs d'orthographe, je suis devenue un genre de prof dyslexique à mes heures pas si perdues)

Bref. . . j'ai découvert que Justine est la fille de BHL. (Oui Bernard Henri Lévy....être la fille d'un philosophe ça prédispose sans doute à la cogitation) et d'un mannequin (oui, ça aide à être jolie sans doute) Qu'elle a environ mon âge. Que sa belle-mère était donc Arielle Dombasle (Je me demande si elle a développé un goût pour le chant lyrique du coup). Qu'elle était mariée (assez jeune) à un certain Raphaël....oui, celui dont parle une certaine Carla B. Dans sa chanson "Quatre consonnes et trois voyelles". Que cette Carla lui a piqué son Raphaël et que la pauvre Juju a mis des années à s'en remettre et a même évoqué cette douloureuse étape de sa vie dans un roman Rien de grave (elle désigne sa rivale par le nom "Tarminator". . . j'adore car ça confère une forme d'exutoire plutôt que d'inonder la personne de noms d'oiseaux pas très élégants. Ceux-là on les garde pour dans sa salle de bains, vous êtes d'accord ). Qu'elle travaille aux éditions Stock (oui ça aide aussi à faire publier ses romans quoique. . . Je devrais y songer?) 

A la lumière de ces notes pseudo-pipolo-bibliographiques, on pourrait se dire "oh la pauvre fille. . . née avec une cuillère en argent dans la bouche, de quoi elle va nous causer ?" (oui parce que j'assume le fait de découvrir Justine Lévy, aujourd'hui, en 2015, alors qu'elle, elle n'a pas attendu que je fasse signe "C'est bon, tu peux te lancer" , pour publier des romans salués par la critique. . . mais bon, la critique et moi ça fait deux, et j'ai envie de dire: la critique ici: c'est moi . . .)

Ce qui m'a dérangé d'emblée c'est le style. J'ai vraiment du mal à me décoller de ma formation littéraire  je crois . Sortir du sacro-saint "sujet verbe complément majuscule etc".  Il n'y a que lorsque j'écris que je m'en détache, mais à la lecture. . . Dur. Au début , j'ai vraiment eu du mal. Mon cerveau souffrait, vraiment. Je devais me concentrer pour suivre le fil de cet imbroglio de pensées. J'avais l'impression d'être dans un mauvais remake d'un mauvais film du genre "Twister" (les tornades , vous voyez?). Bref, c'était rude. Trop dense, trop foisonnant. C'est plein d'énumérations, ça file le vertige, j'en ai la nausée, une envie de vomir de métaphores et de comparaisons avec des accumulations de noms de marque qu'on se demande ce  que ça vient faire là-dedans et si , vraiment, c'était la peine, obligé quoi  (Babyjörn, Xanax . . . tous les noms de la puériculture et des anti-dépresseurs y passent). Blurp. "Vite, mon Gaviscon" . . . ha ha )

Passée la gueule de bois, je poursuis la lecture, parce que NON de NON, je ne vais pas abandonner. Je vais creuser. Il y a un truc, une pépite, un pourquoi, une raison que je n'ai pas dû percevoir encore.

Et puis . . . je l'entrevois. Elle arrive.

Gaieté

La subtilité, la trame, le pourquoi de cette nausée que les premières lignes m'ont inspirée. A ce stade, je me dis "ouaw, t'es une super lectrice en fait, Juju Lévy, elle a tellement bien goupillé son roman que ça a fonctionné à merveille sur toi".

La Gaieté, c'est certes l'histoire d'une femme qui devient mère et décide alors de ne plus jamais être triste, mais c'est aussi et surtout, ai-je envie de dire, celle d'une femme qui s'est construite comme elle a pu,  une histoire de chagrin finalement plus que de joie. Je n'ai jamais lu un roman qui décrivait aussi bien l'état borderline de la folie qui vous happe pendant une crise dépressive. Ce moment où vous avez l'impression de vous échapper, de vous perdre, ou de perdre le contrôle de vous-même au profit d'on-ne-sait-qui ou quoi.

J'ai aimé également la façon dont était abordée la notion de transmission entre plusieurs générations de femmes. D'une grand-mère à sa petite-fille, le tout à travers le prisme d'unemère: la narratrice, Louise. C'est comme si l'on venait de me détailler un mécanisme que je pouvais enfin observer après l'avoir vécu en toute inconscience. A travers les va-et-vient entre présent et passé, vie de femme , de mère et de petite-fille. A grands renforts de retours en arrière aussi. Oui, certains passages ont été le point de départ d'un vagabondage de souvenirs qui m'ont amenée à penser à ce que m'ont transmis ma grand-mère, ma mère et ce qu'à travers moi, elles ont aussi transmis à mes filles. Je n'y avais jamais songé auparavant. Je m'étais toujours arrêté à MOI, comme si à partir du jour où j'avais mis mes filles au monde, on redémarrait à zéro. Or, non. Et c'est tellement évident qu'il fallait le lire pour y croire.

Le roman a parfois des airs de purge, lorsque la narratrice évoque ses belles-mères successives, de vraies marâtres qui n'ont rien à envier à celle de Cendrillon. Et l'image de sa mère, cette mère-ruine qu'elle aime et protège, cet amour "à sa façon".

En tournant la dernière page du roman, j'ai en bouche et au coeur la lecture-souvenir d'un livre qui aura mis, à plusieurs reprises, en mots, des sensations et des intuitions souvent ressenties. Une lecture qui m'aura marquée.

Morceaux choisis

" Il y a des gens qui pensent que ça fait mûrir, d'avoir des enfants, moi je trouve que ça vous met surtout face à votre propre enfance, tiens prends ça dans la gueule, je me revois petite, ne sachant pas vraiment jouer, ne sachant jamais comment faire pour prendre ma vie moins au sérieux"


"Je suis triste du jour où ils seront moins gais, je voudrais les y préparer, leur inoculer de la tristesse à petites doses, à l'homéopathie, je voudrais les vacciner contre la vie"

"On ne vient pas sur terre vierge et pur et vide, avec tout à apprendre et tout faire. On n'est pas une page blanche, même si j'aimerais bien, hein, une chouette page blanche sans ratures sur trois générations. Mais non, on porte la mémoire de sa famille, on trimballe ses paquets de problèmes et de névroses"

" Parfois, la nuit, je sens le début de la tristesse qui revient, c'est une sensation d'oppression, une sorte d'étau et puis, très vite, l'impression qu'on m'écrase la tete entre deux pierres, deux pierres de chagrin qui abrasent toute ma gaieté, toute ma joie"


Bonne lecture . . . 

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Commentaires
A
Je n'ai finalement pas attendu pour venir lire ton post... Justine Lévy n'était pas pour moi une inconnue puisque j'ai lu à leur sortie mauvaise fille et rien de grave. Je retrouve des les 1ères lignes de son nouveau roman ce style qui lui est propre. Comme tu dis elle sait parfaitement décrire cet état border line. Pour le moment je ne sais pas encore dire si j'aime ou pas... J'attendrai de l'avoir terminé pour me prononcer...j'attendrai de connaître l'issue...
L
Vous m'avez également donné envie de le lire... Quelle pub et quelle critique!!<br /> <br /> Et hop sur ma liste de lectures d'été ;)
C
Finalement je vais peut-être le lire ce livre. J'avais aimé moyennement son précédent...mais si c'est plus optimiste...c'est pour moi ! Bises
L
Tu sais bien comment susciter les envies de lecture. Il ne me reste plus qu'à partir le dénicher.<br /> <br /> Belle soirée. <br /> <br /> Marie-Astrid
C
alors là, tu m'as donné une putain d'envie de lire ce livre. Je file vendredi m'inscrire à la bibliothèque pour le lire (1: si ils l'ont. 2: y a que mes enfants d'inscrit là bas. 3: oui, mais c'est déjà ça!!)<br /> <br /> Moi, je suis en permanence reliée à mon enfance- tellement ,que j'ai du mal à vivre le présent. Sentiment permanent que tout m'échappe, et qu'il faut que je me réveille. Par contre plein de projets- toujours...... Bizarre.<br /> <br /> J'vais lire ce livre!!!<br /> <br /> MERCIIII
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