La bibliothérapie, les bouquins and me
Le dernier magazine ESPRIT YOGA (nov/déc.2014) consacre un dossier à la bibliothérapie. Bien que lectrice depuis longtemps (par goût et nécessité professionnelle), je ne connaissais absolument pas ce terme. Après l'avoir lu, l'article m'a laissée songeuse. C'est une technique thérapeutique à part entière née au XX° siècle. L'article rappelle que la lecture de grands textes a notamment aidé Primo Levi à supporter l'horreur des camps. Il nous amène aussi à noter que la lecture est une activité très proche de la méditation puisqu'elle demande une introversion et qu'elle conduit retrouver "un espace intérieur"...Du coup, cet article m'a amenée à m'interroger sur mon rapport à la lecture... achtung, c'est du lourd =>
J'adore lire. Pour autant je n'ai pas le souvenir d'avoir été de ces petites filles et ados qui auraient pu se passer de repas et tout oublier pour retrouver un livre et ses personnages. J'aimais trop gambader dans les hautes herbes et grimper aux arbres (et passer quinze ans à gratter la terre cachée sous mes ongles, avant de me coucher)
Je crois qu'en premier lieu j'aime "l'objet-livre". C'est en ces termes qu'on évoque dans le monde des profs de lettres: le bouquin, sa couverture, son papier, son odeur...bref, je crois que oui, on peut dire que j'ai un lien sensoriel voire sensuel avec le livre. C'est pour cela que je n'adhère pas du tout aux kindle et autres romans sur tablettes. Moi le livre j'ai besoin de le toucher, de le glisser dans mon sac, de l'ouvrir, d'en tourner délicatement (ou pas) les pages. (puis de le ranger amoureusement dans ma bibliothèque, avec les coins parfois cornés roulottés....et de le voir là, en face de moi entre un Hugo et un Baudelaire ) . J'ai un exemplaire des poèmes de Supervielle édité par La Pléiade...Outre la beauté des mots, ce livre m'offre la sensualité à chaque page. Le papier est si fin, si délicat...on a l'impression de déshabiller quelqu'un à chaque fois (je m'emballe je sais).
Une boulimie qui peut s'emparer de moi si je me retrouve dans une librairie...toutes ces histoires, toutes ces émotions qui sont là, juste devant moi, à portée de main (ou de porte-monnaie. Aïe). Mon rapport au livre peut donc être aussi compulsif parfois (y en a c'est avec les fringues et la clope, moi c'est le chocolat et les bouquins...voilà)
Les livres, moi et les études: Je n'ai aucun souvenir de livres lus ou étudiés avec mes professeurs d'école ou de collège. Souvent, quand j'étudiais un roman avec mes élèves je me demandais ce qu'ils en retiendraient et SURTOUT "cette histoire allait-elle les marquer?". Bien au-delà des figures de style ou des schémas narratifs qu'il fallait étudier-programme oblige- c'était cela qui importait à mes yeux: "est-ce qu'ils se souviendront de ces personnages et de ces émotions?". Pour ma part c'est en préparant le bac de français que j'ai vraiment commencé à accrocher. Et je dois être une pure extra-terrestre parce que les romans qui chez moi ont provoqué un déclic sont "La Princesse de Clèves" et "L'Oeuvre" de Zola. Le second reste mon romancier favori, celui que j'admire et que je considère comme un virtuose. Le premier est de loin le roman le plus détesté de toutes les générations de lycéens. Allez savoir pourquoi, j'ai adoré. Après, la fac de lettres et le Capes ont fait que des livres (plus ou moins à mon goût) j'en ai "avalé" en grosses quantités. Sans oublier qu'avec mon métier, j'ai été amenée à lire pas mal de choses du type "littérature de jeunesse" et autres "essais sur la littérature". Mouai, pour l'introspection et le côté méditatif on repassera hein.
La liberté c'était le jour où j'ai pu choisir MES livres. A la fin de mes études, je me souviens très bien m'être dit: "ça y est, à présent je vais pouvoir lire des livres dont les histoires me font ENVIE". J'en avais vraiment assez de ne devoir envisager la lecture que sous son aspect "utilitaire". Et à partir de là, j'ai lu de tout: BD, littérature décalée et scandinave, romans policiers, Accro au shopping etc etc...ça m'a fait un bien fou. Au début dans ce milieu d'érudits et parfois un peu pseudo intello, dire qu'on avait adoré lire "Le journal de Bridget Jones" ou "Maudit Karma" (je recommande vraiment ce bouquin délirant) ça ne le faisait pas trop (mais comme je ne suis pas une "vraie" prof de lettres => c'est à dire que j'ai de l'humour et une télé , et aussi une vie à côté et puis moi j'utilise le mot "truc" pendant mes cours, et je sais utiliser LOL, MDR quand je suis avec mes amies sans me dire qu'on doit me déchoir de ma fonction) et puis un jour j'ai eu envie de dire m**** aux clichés du prof dont toute la vie devrait être abreuvée de culture élitiste . Et oui...j'ai osé dire en public que j'avais lu "Le Diable s'habille en Prada" et que dans la foulée je venais de lire "Pêcheur d'Islande" et "La fortune des Rougon"..
Actuellement: le lien entre méditation et lecture m'est évident. J'oscille entre l'aspiration à un état proche de la zénitude maximale et intérieurement c'est pourtant le capharnaüm ( . J'ai un gros souci avec l'immobilité en ce moment tout en rêvant de me poser. C'est grave docteur ?
Je profite des minutes précédant l'endormissement pour bouquiner. En journée, j'ai beaucoup de mal à m'assoir sur le canapé pour lire. J'ai l'impression de ne pas tenir en place et d'avoir mille choses plus "importantes" à faire. La méditation me procure encore le même effet. Il y a deux choses dans ces deux domaines qui m'aident à me fixer. Pendant la méditation, soit il y a la voix du guide , soit il me faut trouver une sorte de mantra - un mot, une prière, une respiration....en lecture, ce sera l'imagination. En effet, une fois que j'ai mis un pied dans l'univers du roman, une fois que j'ai effectué le plongeon dans l'histoire alors ça y est. J'y suis...et dans les deux cas: Dieu que c'est bon d'être à la fois connectée avec soi et dé-connectée du reste du monde.
Alors oui, je peux le dire lire peut être une thérapie.
Et vous ? Quel est votre rapport à la lecture ? Quelle est votre bibliothérapie?
à bientôt- ha det bra.