Un rayon de soleil et que germe la vie !
Elle s'étendit de tout son long sous les tendres rayons du soleil. Un petit zéphir passa par là, caressant son front pensif. Rapide comme un feu-follet il était néanmoins chaud et revigorant. Elle repoussa la mèche de cheveux que l'air venait de déposer sur sa joue rose. Ce petit fil d'or la chatouilla et dessina sur ses lèvres un sourire nimbé de sérénité.
Elle réalisa qu'elle avait oublié son téléphone portable et se prit à rire en songeant qu'il s'agissait là d'un acte manqué, tant le moment qu'elle savourait était délicieux. Elle avait tout oublié: les enfants à chercher à l'école d'ici une heure, le pain à acheter, le courrier à rechercher au bureau de poste...tout, elle avait tout oublié sauf l'essentiel: elle était là, elle existait dans toute la puissance du don de vie qu'elle avait reçu trente-cinq ans auparavant. Allongée dans l'herbe encore rongée par la rigueur de l'hiver mais sous laquelle, elle le sentait, frémissait déjà la promesse de vie printanière, elle était heureuse, tout simplement.
Les paupières closes, elle laissa errer ses doigts au sol, rencontrer quelques brins d'herbe, la racine d'un pin, la tige d'une graminée.
L'air n'avait pas encore d'odeur et ne déposait aucune saveur dans sa bouche. C'était encore l'hiver et la nature était comme vierge de cette vie qui abonderait bientôt de toutes parts.
Elle respirait- et le souffle de vie qui emplissait ses poumons la gonflait d'une foi puissante en toute chose...
Elle était- et les pensées défilaient, glissaient, vagabondaient en elle comme les aigrettes volent emportées par la brise...
Elle donnait et recevait- et la certitude de l'Amour la confortait dans la beauté de l'instant présent...
Elle ouvrit les yeux et éblouie par le soleil, eut la sensation, lointaine, d'avoir déjà vécu cet instant de plénitude. Bercée par cette vague réminiscence auréolée de mystère, elle se leva, regagna sa voiture qu'elle avait garée une demi-heure plus tôt sur un sentier qui bordait ce pré. L'automobile démarra soulevant un léger nuage de poussière. Au sol, là où elle s'était étendue, l'herbe se redressait lentement et autour, on pouvait deviner quelques pousses vertes qui, émergeait timidement de terre...